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Les photos jolies

Paris, le 14 Octobre
Je me rends à une avant-première sur les Champs Elysées avec PS. PS est une Fille. C’est une Fille puisqu’on ne dit plus une Femme depuis longtemps. On dit une Fille, parce que les Femmes, c’est comme les Dragons : ça fait tellement peur aux petits garçons qu’on est pas vraiment sûrs que ça existe.

 

Sur le tapis rouge, elle m’explique en souriant (pour les photographes) à quel point elle n’aime pas que je l’appelle comme ça, PS. J’ai beau lui expliquer que je préfère utiliser ses initiales, que ça me fait un nom à moi, que je suis le seul à utiliser et qui n’est pas un diminutif, elle s’en fout ; elle me répond que ça lui fait juste penser à Post-Scriptum. Même quand je lui dis que si je l’appelle Post-Scritpum, c’est parce que je sais qu’elle est la seule qui reste quand c’est fini et que tout le monde a bien posé son point final sur ma gueule. C’est le genre de trucs débiles que les filles adorent voir dans les films mais qui leur fait lever les yeux aux ciel en soupirant quand je leur dis dans la vraie vie. Comme elles veulent, je ne leur dirais plus que dans les films alors. Comme PS sourit toujours et que je fais la tête, nous avons l’air de 2 idiots et je sais que les photos ne seront pas utilisées. Dans un magazine people, floutées à coup de Photoshop, elles auraient accompagnée une légende du genre « Ca ne se passe pas très bien entre eux… ». Alors qu’en fait ça se passe très bien entre nous à part qu’elle n’aime pas la façon dont je l’appelle, de la même manière qu’elle n’aime pas quand son chat lui plante ses griffes dans la cuisse en signe d’affection. Tout le monde a l’air persuadé que nous sommes ensemble alors que nous sommes juste des amis qui se contentent de faire des photos très jolies avec des costumes de prince et de princesse sur des avenues très jolies aussi et de passer un peu de temps ensemble dans des habits civils histoire de faire bosser le stagiaire qui floute les photos dans les magazines spécialisés. Ca nous convient parfaitement, à tous les deux. Le film est une horreur. Enfin je crois, vu que j’ai dormi la plupart du temps. A la sortie, je croise le réalisateur qui me demande ce que j’en ai pensé. Très honnêtement, je lui réponds que ce n’est pas un épisode de la comédie humaine. Il m’explique que pourtant, c’est bel et bien une comédie et qu’il est encore heureux que ce soit une comédie humaine parce que les comédies extra-terrestres comme « La Soupe aux Choux » c’est franchement ringard. Il a l’air vexé que je n’ai pas compris son film et s’éloigne. Direction la fête qui suit chaque bonne avant première. Il n’y a quasiment que l’avenue à traverser pour se rendre dans cet endroit chic où des gens déguisés nous attendent. Apparemment le film à un rapport avec l’Amérique du sud ou le Brésil puisque des danseurs en costume de carnaval sont partout en train de s’agiter sous les coups de butoir d’une pauvre musique afro caribénne maltraitée par un DJ épileptique. J’ai envie d’aller lui dire que les congas supportent difficilement les scratchs mais je pense à PS et au scandale qu’elle va me faire si je me fais remarquer. Au bar ils servent des cocktails aux couleurs étranges, des remix, eux aussi, de teintes exotiques que même un gamin accro à la grenadine chimique aurait peur de s’enfiler. J’en prends deux et j’en apporte un à PS. Quand je la retrouve elle est aux côtés de quelqu’un que j’ai déjà vu quelque part sans savoir où. Il lui a déjà apporté sa dose de réorchestration colorimétrique alcoolisée et j’ai donc l’air d’un parfait crétin avec mes deux cocktails à la main. Je comprends à son regard qu’elle veut que je la laisse seule avec le jeune homme. Pour me sentir moins bête, j’avale cul sec le premier cocktails comme un médicament. Je pose le verre et je commence à sucer la paille du second en me promenant dans la foule. Les gens ont tous des têtes d’animaux dans le noir. Lui c’est le loup, lui c’est l’agneau, la raison de plus fort est toujours la meilleure et quand La Fontaine a plagié Esope il voulait juste plaire à la Cour, comme tous les plagiaires, comme tout le monde. Personne n’a envie de me parler ce soir malgré mon déguisement de prince et je tiens les murs, à l’ancienne, en attendant que l’alcool des cocktails fasse son effet et essayant qu’on remarque à quel point je suis cool. Toute cette merde pour en arriver à tenir un mur comme 10 ans auparavant, c’était vraiment du temps de perdu. Etre habillé comme un pingouin et avoir remplacé la 8.6 par un truc bariolé n’est pas une grande consolation. Je sais que j’ai pensé, en tenant ce mur, être sociologiquement issu d’une grossesse extra-utérine sans avoir foutrement aucune idée de ce que j’entendais par là. Ce que je sais c’est que j’ai perçu dans le regard de PS après une centaine de cocktails que mes fréquentations n’étaient pour la plupart que de l’aspartame affectif, du saccharose émotionnel, un expédient. Sauf PS, qui parmi bien peu restera. Ce n’est plus moi qui tient le mur, c’est le mur qui me tient. PS vient me chercher et m’explique que le garçon avec qui elle discutait propose de nous emmener terminer la soirée chez lui avec quelques amis. Je me décolle du mur plus difficilement qu’un mollusque et je glisse jusqu’à une voiture. Chez le jeune homme, c’est en fait un immense appartement vers Montmartre avec vue sur Paris. C’est forcément beau, tellement incontestablement appréciable que c’en est presque décevant. Sa terrasse est recouverte d’un caillebotis en bois précieux et si je portais des talons aiguilles je m’en casserais un dedans. Si je portais des talons aiguilles, je dormirais moins souvent seul aussi. Il fait froid et je suis seul sur la terrasse. Je sais ce qu’ils ont commencé à faire à l’intérieur, ce qu’ils ont commencé à étaler sur la table basse en verre et je veux y échapper. Je m’appuie à la rambarde parce que ça commence à tourner. Un DJ fait des scratchs sur la capitale illuminée. PS sort me rejoindre. Elle me dit que je vais attraper froid mais c’est elle qui renifle. Elle a l’air un peu désolé de m’avoir amener ici, mais surtout elle sait pourquoi je reste sur la terrasse alors qu’on gèle dehors et ça la gène. Je lui demande de m’amener un verre, quelque chose à boire. Elle revient avec une bouteille pleine, un verre vide et un pull. Elle m’aide à enfiler le pull par-dessus ma chemise et quand je remets ma veste elle craque. Le pull est trop gros, il est au propriétaire des lieux et ses épaules sont aussi larges que son living-room. Ca fait des plis, je sais que je suis ridicule. Le pull est laid aussi. PS retourne à l’intérieur. Je m’écroule sur un transat auquel il manque la garniture. Le bois me fait mal aux fesses, il est humide, je le sens à travers mon pantalon. J’entame la bouteille. J’ai moins froid, mais ça tourne de plus en plus. Je crois que je m’endors quelques minutes sur le bois mouillé. Il est temps que je m’en aille. J’entre dans l’appartement en essayant d’enlever le pull. Le propriétaire, de l’appartement et du pull, me dit que ce n’est pas la peine, que je n’aurais qu’à le donner à PS, qu’elle le lui rendra plus tard. Je comprends qu’ils vont donc se revoir. Je sors et j’attrape un taxi. Je sais que quoi qu’il se passe, quoi qu’il s’imagine, je serais toujours sur les photos jolies en prince et en princesse avec PS.
Il met des pulls beaucoup trop moches pour une fille comme elle.

Ecrit par Shell, le Lundi 12 Mai 2003, 16:20 dans la rubrique "Nuit".