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Ce qui fait sourire les jeunes filles...

Paris, le 1er Octobre
J’ai passé la soirée avec le Duke. Le Duke est toujours habillé comme un prince, c’est pour ça que je l’appelle comme ça. Enfin si l’on compare à moi, il est habillé comme un prince. En fait il est plutôt habillé comme un étudiant en Lettres mais il a la même gueule d’ange énervante que Benjamin Biolay et son père est dans le Who’s Who. Le Duke c’est aussi le nom d’un personnage de New York 1997, et ça, ça en jette.

J’ai commencé la soirée seul avec le Duke dans un bar où nous avons nos habitudes depuis quelques temps. Le barman commence à nous serrer la main, à nous appeler par notre prénom et nous sert sans que nous le lui demandions. Ca signifie qu’il est temps d’aller tester mes transaminases. Je me demande encore ce qui fait qu’on se retrouve ici. Le Duke essaie désespérément de m’expliquer que c’est la musique. C’est vrai que la musique n’est pas trop nase. Mais la clientèle est vraiment désespérante. Nous sommes près de la rue Mouffetard, quartier étudiant, entre la branchitude d’Oberkampf et de la ringardise de la Bastille. Pourtant je hais les étudiants ! J’en prendrais un pour taper sur l’autre si je n’avais pas peur de me froisser un muscle pendant l’opération. A votre âge je bossais, bande de feignasses ! Je commence à pouvoir dire ça à de plus en plus de gens et ça m’inquiète. Autant sur mon âge que sur l’inactivité crasse de la jeunesse. Après quelques verres, nous avons fini par nous asseoir à la table de trois jeunes filles. Trois étudiantes, bien évidemment. Le Duke a engagé la conversation. Le Duke est très fort pour les manœuvres d’approche. Incroyablement, ces filles semblent intéressées par sa conversation. Toutes les trois viennent d’une ville de province. Laquelle, bonne question. Encore un truc que je n’ai pas imprimé. L’une fait des études à Paris, les beaux-arts ou du droit, ou autre chose, à part elle ça ne semble intéresser personne. Ses deux copines sont venues la rejoindre à Paris pour le week-end. Je leur demande alors quand est ce qu’elles travaillent, parce que j’ai l’impression que les étudiants sont toujours en vacances. Comme c’est la deuxième phrase que je décroche après « Bonsoir, enchanté », ça laisse un froid. Du coup, elles se retournent vers le Duke. Il faut dire qu’il a un tas de références professionnelles showbizniesques, est sapé comme un de leur pair et a toujours la même tête que Benjamin Biolay même après autant de verres. Pourtant, je n’ai rien dit de déplacé : elles sont venues la rejoindre pour le week-end alors qu’on est au milieu de la semaine. Les manœuvres d’approche du Duke s’éternisent. Il n’en est plus vraiment aux manœuvres d’approches d’ailleurs, il en est à ce que les militaires américains appellent le « search and destroy ». Search and destroy le point sensible de la femelle en face de lui, search and destroy la faille, l’interstice émotionnel où il va pouvoir glisser un pied de biche pour pénétrer dans son intimité et mettre les pieds sur le canapé. J’ai plus la force de faire ce genre de choses. Je me contente de fermer ma gueule, de prendre un air triste et généralement j’attire les dingues et/ou les dépressives. Sauf quand je suis réellement saoul. L’alcool fait sauter les inhibitions et j’en ai tellement que lorsqu’elles sautent tout le mode se bouche les oreilles. L’une des trois jeunes filles s’intéresse à moi. Par chance, c’est celle que je trouve la plus jolie. Au bout de deux minutes, elle m’explique comment sa grande sœur est morte dans un accident de voiture à 18 ans. C’est donc une dépressive. La conversation semble s'étendre autour de leurs activités extrascolaires et de leur incorrigible sérieux. A votre âge je dormais deux heures par nuit, bande de feignasses ! Mon dieu mais qu’est ce que je raconte ? A leur âge j’étais un connard, je n’aurais voulu me parler pour rien au monde et d’ailleurs je ne m’adressais pas la parole. Soudain, le sosie officiel de Madame Doubtfire fait irruption dans le bar. Déguisé comme Robin Williams dans le film, il saute partout accompagné d’un assistant. Il arrive à notre table et commence à faire son show. Il insiste pour prendre une photo avec moi. Je ne sais pourquoi, il a plein d’appareils photos jetables avec lui. Un sac rempli de boites noires avec flashs incorporés qui attendent comme des insectes, des rations de survie pour l’ego, au cas où votre image n’aurait pas été assez pillée dans la journée. Il se photographie avec tout le monde à notre table, ce qui fait bien rire les jeunes filles. Son assistant le photographie en train de se photographier et la mise en abîme me donne le tournis. Il repart en me laissant son appareil, ce qui fait beaucoup moins rire les jeunes filles. Parce que du coup, elles ne verront jamais les photos. Elles tentent de me l’arracher des mains. D’abord à coup de sourires enjôleurs puis rapidement à coups d’ongles dans le bras. Je ne lâche pas. Le Duke lâche alors innocemment qu’elles n’ont qu’à nous laisser leurs adresses, qu’on leur enverra les photos. Celle qui habite à Paris a l’air outrée. Impossible de nous donner leurs adresses. Catégoriquement inconcevable. Le Duke et moi comprenons alors à quoi elles pensent. Il est encore plus affligé que moi. Alors que nous leur demandons simplement leur adresse pour leur envoyer quelques photos floues et mal cadrées, elles nous voient déjà en train de les harceler, de les violer, d’assassiner leurs parents et de dépoter les ornementations de la maison individuelle que leurs ascendants, probablement employés de bureau ou profs d’anglais, ont mis tant d’années à payer. On était simplement en train de les draguer comme les deux crétins hormono-congestionnés que nous sommes et les voilà en train de nous envisager avec un cutter entre les dents, détournant le bus scolaire de leurs petits frères pour nous venger d’un hypothétique refus de leurs corps secs. Non, pire que pour nous venger : pour rien, parce qu’il est possible qu’on soit juste des malades mentaux assoiffés du sang des petites provinciales. Parce qu’on est à Paris et qu’ici il faut se méfier de tout le monde. Parce que les gens sont méchants et qu’en dehors des vacances scolaires elles ne peuvent pas intercepter le courrier dans la boite aux lettres familiale. Je me sens humilié, affaibli, rabaissé au rang d’une menace à l’intégrité de ces jeunes filles. Je comprends que si j’avais tenté de discuter avec celle que je trouve jolie au milieu d’une rue, elle m’aurait aspergé de gaz lacrymogène et serait partie en courant, alors que là elle vient de me raconter comment elle a perdu sa sœur, chose on ne peut plus intime. Pire, je comprends que j’ai compris ça il y longtemps et que je ne m’y suis toujours pas fait. Je comprends que non content d’être un danger potentiel, je suis un idiot. Je me lève et je m’en vais. J’ai toujours l’appareil photo dans ma poche. Depuis j’ai fait développé les photos. Elles sont floues, moches et mal cadrées mais les jeunes filles ne les auront jamais.
Au début de la soirée, alors que nous étions tous les deux accoudés au bar, le Duke m’a demandé quel serait notre avenir, qu’est ce qu’on avait en face de nous. J’ai regardé devant moi et je lui ai répondu.
« En face de nous on a un mur avec des bouteilles accrochées dessus ».
Sur le moment je n’ai pas réalisé que je répondais exactement à sa question.

Ecrit par Shell, le Samedi 10 Mai 2003, 17:54 dans la rubrique "Nuit".

Commentaires :

Liv
10-05-03 à 20:34

« En face de nous on a un mur avec des bouteilles accrochées dessus ».

Tout à fait... ce qui importe c'est le temps que l'on va mettre à s'empaler sur ces dites-bouteilles. Et ce que l'on fera de ce temps...
                                                                                                                                


 
Shell
10-05-03 à 22:06

Paradoxe

Tu connais le paradoxe de Zénon?

Pour atteindre une cible immobile, une flèche parcourt, dans un premier temps, la moitié de la distance qui l'en sépare, puis dans un second temps, la moitié de la distance restante, puis la moitié de cette distance et ainsi de suite. La flèche aura donc toujours une moitié de distance à parcourir aussi petite que soit cette distance.
Donc, la flèche ne devrait jamais atteindre la cible.

Mais on me dit souvent que je ne suis pas une flèche, alors je finirais bien par atteindre le mur.

 


 
Liv
11-05-03 à 11:39

Et dans son paradoxe d'Achille et la tortue, il conclut qu'Achille ne rattrapera jamais la tortue... car lorsque celui-ci atteint la place qu'occupait la tortue, elle n'y est plus, ayant avancé, donc Achille doit atteindre la place qu'elle occupe actuellement... et ainsi de suite.

Alors soit Achille était un être particulièrement lent... soit les tortues du 3ème siècle avant JC étaient étonnament rapides ?

De nos jours le paradoxe d'Achille tombe à plat... en est-il de même avec celui de la flèche ? En tous cas, on va tous droit dans le mur... que ce soit à la vitesse d'Achille ou à la vitesse de la tortue. Et dans ce cas là Achille rattrapera forcément la tortue à un moment donné, puisque celle-ci va se retrouver confrontée au mur.

Bon ça m'a filé mal à la tête, tous ces paradoxes...

A un autre jour... ou une autre nuit.


 
Shell
11-05-03 à 12:41

Parole de scout

Toujours prêt...

Dans notre prochain numéro nous aborderons les fables d'Esope ainsi que les cocktails aux couleurs bizarres.

As tu toi même un blog Liv?


 
Liv
11-05-03 à 13:29

Re: Parole de scout

Je vois que tu l'as trouvé par toi-même... merci pour le lien, rien ne t'y obligeait.

J'attends les cocktails aux couleurs bizarres avec impatience...


 
Shell
11-05-03 à 17:28

Re: Re: Parole de scout

Je m'embrouille un peu dans mes notes, j'ai mâl au crâne. Esope et les cocktails, on verra plus tard.