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Des hirondelles

Paris, le 9 Novembre
A la sortie d’un restaurant vers Oberkampf je croise Vincent et un de ses potes qui font le pied de grue avec leurs planches de skate devant cet endroit où je sais qu’ils ont leurs habitudes. Vincent fait semblant de ne pas me reconnaître et je me souviens de l’époque où avec des potes nous jetions de pierres sur son frère du côté Ménilmontant, quand il s’est mis en tête de révolutionner le hip-hop malgré le fait qu’il ait des employés de maison, cette époque où nous avions des mousquetons en guise de porte-clefs, des porte-clefs qui servaient plus à ouvrir des crânes que des portes.

Vincent fait semblant de ne pas me reconnaître mais ne s’empêche pas de mater comme un dingue la fille avec qui je suis. Je la laisse partir et je vais à l’anniversaire de Jil. J’aime beaucoup Jil, même si nous ne nous voyons plus beaucoup. Je n’ai pas oublié qu’il m’a accepté chez lui quand je n’avais plus nulle part où aller et qu’il ne m’a jamais fait de crise quand il retrouvait des pompes dans sa salle de bains ou que je passais la journée dans son lit le nez en charpie à mater des pornos. Par contre, il gueulait quand je ne nettoyais pas le lavabo après m’être rasé, paradoxal souci de propreté quand on abrite un demi-clochard chez soi, mais qui m’a sans doute aidé en me rappelant le fait que j’étais un être humain et pas seulement une éponge à dope. Il savait ce que c’était lui aussi, pas besoin de lui expliquer. Son anniversaire est assez triste et ça me fait de la peine. Ils sont tous allé dans un restaurant qui s’est avéré être cher et pas très bon et parmi les invités il y a surtout beaucoup de membres de l’équipe du film sur lequel il est en ce moment. Des rencontres récentes qui ne remplacent pas ces amis manquants, tous trop loin pour être là ce soir. Je retrouve cependant des gens que je n’ai pas vus depuis longtemps. Des gens que je ne peux pas considérer comme des proches mais que je suis toujours content de voir. Quand j’arrive, tout le monde est déjà saoul et j’ai un train de retard. Après les quelques bouteilles de champagne accompagnant le dessert qui me permettent de regagner du terrain sur eux, le groupe se délite. Je n’ai aucune intention d’en finir. La plupart travaillent le lendemain et décident d’en rester là. Seul un petit groupe est assez énervé pour continuer. Je pars avec eux, nous laissons les autres, y compris Jil. Joyeux anniversaire Jil et merci pour tout. Nous sommes 5 : un chef-op au prénom imprononçable, une comédienne adorable malgré ses seins en plastique, un chef déco aux dreadlocks bien propre et au caractère insupportable pour les gens avec qui il travaille, et une assistante réal qui est désespérante dans sa manière de régulièrement flinguer sa vie sentimentale en choisissant toujours le mauvais cheval. Je suis presque un intrus tant ils se connaissent bien mais le champagne aidant je m’en fous royalement. Nous décidons d’aller chez le chef-op. Il partage un immense appartement avec un directeur de prod, un logement « dans l’ancien » avec parquet et moulures, qu’il se paie en faisant régulièrement des pubs avec un réalisateur devenu multimillionnaire parce que son personnage principal est un gant de toilette et que tout le monde trouve ça génial. Là bas, chacun fait ce qu’il a à faire. Poussé par les verres qui se succèdent, je raconte ma vie au chef déco qui me plaint. Il a l’air sincère et je regrette immédiatement ce que je viens de faire. Je ne pourrais plus jamais le regarder en face. Le chef-op et la comédienne s’absentent un moment. Tout le monde comprend ce qu’ils font. Ils sont sortis ensemble il y a quelques temps, et en y regardant de près, tous les gens qui sont là sont plus ou moins sortis ensemble à un moment donné. Très tard, l’assistante réal me raccompagne chez moi. Je sais qu’elle m’apprécie, comme on aime un petit frère. Elle a l’air malheureuse, abattue par la complexité des relations humaines, et semble croire que je la comprends. Je la laisse croire, si ça peut l’aider. En vérité je ne comprends rien à rien. Sur mon carnet j’ai noté une phrase étrange : « un coucher d’hirondelles sur quelques officiels ». Ca irait bien dans une chanson de Bashung. Il faudra que je lui en parle, de ces hirondelles qui ne font rien qu’à ne pas faire le printemps.

Ecrit par Shell, le Vendredi 16 Mai 2003, 11:31 dans la rubrique "Nuit".